Akaito - 赤糸
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Chapitre 9
Valentine vida son verre de saké d’un seul trait. Malgré tous ses efforts, impossible de ne pas repenser à ce message : « Ce soir, minuit, même endroit », signé Kamenashi Kazuya. Elle avait tout d’abord crut à une farce quelconque, mais lorsqu’elle avait regardé dans ses contacts, elle était tombée nez à nez avec quelque chose d’encor plus invraisemblable.
« Nom : Kamenashi
Prénom : Kazuya
Numéro :
Groupe : Aucun
Description : Si ça ne te prouve pas que tu manques d’instinct… »
Effectivement, il fallait le reconnaître, Valentine avait été extrêmement négligente sur ce coup-là. « Comment a-t-il fait pour insérer son numéro dans mon portable ? Comment a-t-il pu prendre le mien ? Quand a-il eu le temps de faire tout cela ? Quelles sont ses intentions ? Est-il réellement sincère quant à ce rendez-vous ? »
Valentine, loin de penser à la soirée en boîte à laquelle elle se trouvait, luttait contre toute une série de questions plus complexes les unes que les autres qui flottaient sournoisement dans son esprit. Mais rien à faire, ces choses là étaient plus résistantes que les mauvaises herbes.
- Un autre !
Elle étendit son bras jusqu’au serveur du bar comme pour soutenir sa déclaration. Le serveur, tout d’abord un peu surpris par la frénésie de Valentine, la resservit d’un air satisfait.
- Dis Val-chan, tu devrais pas te clamer un peu, là ? s’inquiéta Tomoko. Ça fait le cinquième verre de saké que tu te fais cul sec !
- Je m’en fiches. Ce soir, j’ai envie de m’amuser, et c’est certainement pas en restant sobre que j’y arriverais.
Tomoko leva les yeux au ciel, puis regarda la piste de danse avec un air envieux.
- Bon, je sais pas trop ce qu’il t’arrive, mais soit tu viens avec nous, histoire qu’on s’amuse vraiment, soit on va demander à l’un des garçons de te raccompagner à la villa…
Son regard fût à nouveau happé par la foule de danseurs, et plus particulièrement par les deux jeunes hommes qui s’adressaient à Hikaru. Elle se leva d’un bon, son verre à la main puis jeta un coup d’œil qui en disait long à Valentine. Tomoko ouvrit la bouche, mais avant qu’elle n’ait eu le temps de prononcer un seul mot, une main se posa sur son épaule.
- Va rejoindre les autres, je m’occupe de Valentine.
Tomoko regarda Makoto comme s’il avait été un ange.
- C’est vrai ? fit-elle avec une voix pleine de gratitude. Je peux vraiment te la laisser ?
- Ça ira… Dis à Suzu qu’on vous rejoindra toute à l’heure.
- Oh merci Makoto ! Même si ça m’étonne un peu de ta part… C’est vrai que je te trouve plutôt étrange, ces dernier te…
- Allez, dépêche-toi ! Les deux étudiants vont s’enfuir !
La formule magique pour faire disparaître Tomoko étant prononcée, la magicien se tourna vers celle qu’il était censé protéger. Valentine, qui avait bu encore deux autres verres entre temps, était littéralement affalée sur le comptoir. L’une des serveuses, remarquant l’état de celle-ci, essayait de lui faire boire un peu d’eau.
- Merci, mademoiselle, dit Makoto, mais je crois que je ferais mieux de la raccompagner à notre villa…
- Oui, ça vaudrait mieux pour elle , s’inquiéta la serveuse, je n’ai pas l’impression qu’elle tienne très bien l’alcool… Vous êtes de sa famille ?
- Non, je suis son copain.
Makoto, un sourire satisfait sur le visage, souleva une Valentine à moitié endormie et la hissa sur son dos, puis se fraya un chemin jusqu’à la sortie à travers une foule de jeunes se trémoussant frénétiquement sur un musique au rythme entêtant.
Arrivés à la villa, le calme ambiant et l’air marin redonnèrent à Valentine un semblant de vitalité. Lorsqu’elle ouvrit les yeux, elle constata qu’elle se trouvait sur le dos de ce qui lui semblait être un cheval. Mais après un effort de concentration qui lui procura une migraine atroce, la jeune fille constata qu’il s’agissait en réalité d’un garçon. Elle n’aurait su dire qui, mais il était clair qu’elle se retrouvait avachie sur le dos d’un représentant de l’espèce masculine.
- N’est… où ? gémit-elle péniblement.
Makoto, qui venait de se rendre compte que Valentine s’était réveillée, s’empressa de l’amener jusqu’à sa chambre et de la poser sur son lit.
- On est arrivés à la villa… répondit-il. Tu te sens mieux ?
Elle entrouvrit les yeux et aperçut, penché sur elle, un japonais aux cheveux mi-longs, au regard inquiet mais au sourire craquant. Un japonais qu’elle avait vu plus d’une fois sur son écran d’ordinateur…
Valentine sourit à cette vue déformée par l’alcool, et hocha la tête en signe d’acquiescement.
- Quelle heure ? demanda-t-elle comme pour se rassurer.
- 00h03, il est tard… Repose-toi.
« 00h03, tu es en retard… Rejoins-moi. » furent les mots qui résonnèrent dans l’esprit troublé de la jeune fille. Captivée par cette lumière tamisée qui ressemblait à un éclat de lune, le rythme de son cœur s’emballant à une vitesse folle, elle se redressa lentement puis approcha peu à peu son visage de celui qui se tenait face à elle. Valentine s’arrêta brusquement, se sentant défaillir… Il lui effleura le visage, puis ses doigts descendirent doucement jusqu’à sa taille, comme pour dessiner le long de son corps un chemin à ses lèvres. Leurs regards, soudainement empreints de la même lueur intense, se croisèrent l’espace d’une seconde brûlante. Et, avant même que l’un des deux ait eu le temps de comprendre ce qui arrivait, leurs lèvres s’étaient rejointes dans un même élan fiévreux.
Dans un des coin de la pièce, une sonnerie de portable tentait en vain d’attirer l’attention de Valentine…
Kame raccrocha pour la onzième fois. Il soupira, puis s’assis à l’endroit qu’il avait quitté quelques heures plus tôt. Finalement, il avait dû y aller un peu fort… Peut-être qu’elle ne l’avait pas pris au sérieux, ou peut-être qu’elle était encore énervée après lui, peut-être même qu’elle n’avait pas vu le message…
« Ça fait beaucoup de peut-être », se dit Kame en se grattant la tête. Pourtant, il était du genre à bien s’en sortir avec les filles, il trouvait toujours comment leur faire plaisir, comment les charmer. Mais là… l’indécision avait depuis longtemps pris le dessus sur ses talents de séducteur.
Il jeta un œil lointain à l’horizon qui s’offrait à lui. De là où il était, il avait un magnifique aperçu de l’immensité des plages d’Okinawa, de ce sable fin mêlé à une végétation luxuriante digne de cartes postales. Mais à la lumière nocturne, ce fut un bref scintillement qui l’hypnotisa : à côté de sa main droite posée à même le sol, une petit fleur bleue semblait le regarder d’un air espiègle. Kame fronça les sourcils, puis se pencha pour mieux voir.
C’était une minuscule fleur à corolle bleutées, cinq petites pétales fragiles plus claires au centre, entourant comme une autre fleur presque invisible d’un jaune éclatant. A cette vue, Kame sourit.
- Tiens, un myosotis… souffla-t-il.
- Aïe !
Dans l’obscurité de la pièce, Valentine grimaça, puis se rallongea en se tenant la tête à deux mains. A peine avait-elle ouvert les yeux qu’un violent coup de marteau, témoin du saké de la veille, s’était abattu sur son crâne.
Au bout de quelques minutes, un sourire naquit sur son visage. Elle avait fait un rêve à la fois étrange et agréable, lui semblait-elle… Une espèce de promenade à cheval… Cheval qui s’était rapidement transformé en humain et qui, elle ne savait trop comment, l’avait emmenée jusqu’à Kame, qu’elle avait d’ailleurs embrassé… Puis comme par hasard, elle ne souvenait pas de la suite. Laissant échapper un rire mi-euphorique, mi-déçu, elle alluma sa lampe de chevet avant se passa les mains sur le visage.
- Kame… KAME ?!
Valentine se redressa brusquement, les yeux affolés et le cœur palpitant. Le rendez-vous ! Quelle heure était-il ? Elle sauta hors du lit et se précipita sur son sac pour consulter son portable, mais avant même qu’elle n’ai eu le temps de l’atteindre, elle se rendit compte avec effroi qu’elle était complètement nue. Elle balaya la pièce du regard, et aperçu ses vêtements soigneusement pliés sur sa table de nuit. Des vêtements pliés ? Elle qui les roulaient toujours en boule avant de se coucher ?
Valentine ferma les yeux et fit un effort de concentration pour se rappeler comment elle était arrivée dans son lit, nue, avec ses vêtements pliés. Peu à peu, la barrière de l’illusion qui persistait dans son esprit se levait…
Son cœur lui sembla alors faire un voyage à travers des montagnes ruses. Après une bouffée de chaleur et quelques frissons préliminaires à un second coup de marteau sur le crâne, elle se releva fébrilement et retourna s’asseoir sur son lit, la tête dans les mains. Ce n’était pas Kame, c’était Makoto. Ce n’était pas un rêve, c’était la réalité. A présent, elle tremblait presque. Tout cela la dépassait…
A tâtons, Valentine se dirigea de nouveau vers son sac, l’esprit noyé dans un brouillard total. Elle attrapa son portable et tenta d’y lire l’heure : celui-ci indiquait 3h27. Elle sursauta. Même avec de l’alcool dans le sang, son horloge interne lui prévoyait des nuits très courtes…
Et, par un hasard presque insoutenable, son portable vibra dans la main de la jeune fille, attirant à nouveau son regard sur l’écran. Là, une nouvelle surprise l’y attendait…
« 11 appels maqués.
From : Kamenashi Kazuya »
« - Qu’est-ce qu’il t’arrive ? Tu es folle, c’est ça, complètement folle… Qu’est-ce que tu fais, dehors en pleine nuit, dans une ville où tu n’est jamais venue, après t’être pris une cuite et avoir couché avec un gars que tu connais à peine ? Et là, tu comptes aller rejoindre l’autre type un peu louche que tu ne connais carrément pas ?
- « L’autre type un peu louche », tu dis… Sacrément mignon, pour un type un peu louche, quand même… Et puis ne me sors pas que tu ne le connais pas, tu as dû éplucher à peu près tout ce qui existait sur lui sur le net, et l’une des raisons qui t’as faite venir au Japon, c’était l’envie de le rencontrer… Maintenant que tu as ta chance, tu ne vas pas le laisser filer… n’est-ce pas ?
- Tu oublies que tu t’es déjà plus au moins engagée ! Le Makoto, là, tu dois prendre tes responsabilités en vers lui… c’est toi qui t’es jetée sur lui, je te signales… et après avoir bu comme un trou… Tu me déçois terriblement ! Et tout ça c’est à cause d’Ichi !
- Hey, oh, c’est de moi que tu parles, là, Scrachi ? Non mais tu t’es vu avec tes manières vieux jeu ? Elle a quand même le droit de s’amuser un peu ! Et puis de toute façon, elle aime bien les deux, alors je vois pas pourquoi elle devrais avoir des engagements envers Makoto, elle sors même pas avec ! Et maintenant, elle va aller rejoindre Kame, puisque depuis le début elle mourrait d’envie d’aller le voir…
- Mais elle n'y est pas allée, ça veut dire qu’elle en avait pas si envie que ça, tu crois pas ? Et puis, rien ne garantit que Kame sera toujours sur le lieu de rendez-vous après trois heures et demie ! C’est moi qui te le dis, si elle ne rentre pas tout de suite, non seulement elle va attraper froid et risquer de se perdre, mais en plus ça ne va faire qu’embrouiller les choses…. Qui le sont déjà bien assez, si tu veux mon avis.
- Mais s’embrouiller, ça peut lui être salutaire ! Au moins, elle sera fixée si Kame était sincère ou pas, et puis Makoto… Makoto on verra après, c’est pas pressé, lui ! Chaque chose en son temps, maintenant elle s’occupe de Kame et-c’est-tout ! Allez, va le voir !
- Non, ne vas surtout pas le voir !
- Si, vas le voir !
- Ne vas pas le voir ! »
- LA FEEEERME !!!
Le hurlement de Valentine résonna dans toute la baie. Les deux voix qui se disputaient dans sa tête lui étaient si bruyantes, si insupportables qu’elle ne pensa même pas à vérifier qu’elle était seule. Comme pour les faire taire, elle saisit un peu de sable dans sa main et le jeta furieusement vers la mer. Mais, curieusement, ce geste la calma quelque peu. La mélodie marine étant à présent la seule mélodie qui filtrait dans son esprit… Quelque chose comme un « Ssssh… Ssssh… » qui semblai dire « Va… Va… »
Et, sans se poser plus de questions, Valentine alla.